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Docteur en histoire moderne et contemporaine de l’université de Poitiers en France, mes recherches portent sur les sociétés rurales africaines en situation de sédentarité et de migration internationale dans la longue durée. Mes zones d'études et de recherches sont essentiellement la ville de Bakel (Sénégal) et la région parisienne (France). Depuis octobre 2017, je suis professeur d’histoire-géographie à l'Académie de Créteil (France). Parallèlement à l’enseignement et à la recherche, je m’engage dans la vie associative. Je suis en effet le chargé de la communication de l'Association des Jeunes de Bakel en France et le président de la Commission scientifique de l'Association des Anciens de l'Ecole primaire Ibrahima Malal Diaman Bathily de Bakel (ex-école régionale).

DIAMAN BATHILY, UN HOMME AU SERVICE DE LA SCIENCE ET DE SON TERROIR

L’écriture de ce texte est nourrie par une double préoccupation. Sentimental d’une part puis qu’une profonde émotion me brûle le cœur à chaque fois que j’attends cet homme parler de sa vie et des sacrifices immenses qu’il avait consentis pour son terroir en tant qu’enseignant et directeur d’école. Scientifique d’autre part dans la mesure où j’ai personnellement beaucoup appris et je continue d’apprendre de cet homme dans le cadre de mes recherches sur l’histoire de la ville de Bakel, entamées au printemps de l’année 2008. En vérité, Diaman est un « puits inépuisable », empli de sagesse et d’humanisme.

Je connaissais Diaman Bathily depuis ma tendre enfance. Ma cette connaissance était distanciée, lointaine, marginale pour ne pas dire banale. Puis que l’écart générationnel est creusant. Ayant grandi à Bakel, je l’apercevais dans les rues et ruelles de Bakel au cours de certaines cérémonies. En plus, il ne m’a pas fait les classes. Malheureusement, je n’ai pas bénéficié du savoir de l’enseignant Diaman. Il n’a pas été aussi ce directeur d’école dont j’aimais suivre ses conseils et ses orientations. Néanmoins, ayant entendu son nom scandé dans la bouche de plusieurs personnes qui étaient passées entre ses mains dans la fameuse école régionale (qui porte aujourd’hui le nom de son père Ibrahima Diaman Bathily), je ne pouvais ne pas y prêter attention. Lui connaissait bien ma famille en particulier feu mon père M’baré Diallo (paix à son âme).

Mon rapport avec cet homme était devenu plus intime beaucoup plus tard. Il faut l’avouer, cette découverte était suivie de regrets. Elle est arrivée au moment où ma présence à Bakel devenait temporaire. Dire que c’est en tant qu’étudiant que j’ai fréquenté et connu véritablement Diaman Bathily, cela me donne un gout amer et inachevé. Mais vaut mieux tard que jamais ! En 2008, je venais en effet de commencer pour la première fois un travail scientifique. Alors que j’étais perdu dans les méandres des enquêtes de terrain à Bakel et dans les villages environnants, Diaman était l’une des personnes qui m’avaient rendu un grand service. Il m’a ouvert ses portes et m’avait reçu dans sa concession sis au quartier Gimpalé de Modinkané.

Lorsque je lui ai décliné mes ambitions de chercheur, il m’avait reçu à la fois comme un sage, un conseiller, un père mais surtout comme un guide. J’ai été tout de suite frappé par sa modestie et son ouverture d’esprit. A chaque fois que je l’interpelais sur tel sujet qui aiguisait ma curiosité, il me répondait qu’il ne sait pas mais il disait que je pouvais me renseigner à quelqu’un de plus savant que lui. Cela me séduisait. Diaman ne donnait pas l’image d’un homme qui sait tout mais celui qui est à la recherche perpétuelle du savoir. Diaman Bathily m’avait surtout montré que l’on peut être vieux et se mesurer aux jeunes jusqu’au point d’apprendre deux. D’ailleurs, notre conversation était si intime qu’elle sortait parfois du cadre scientifique. Depuis, je n’ai pas cessé de le fréquenter à chaque fois que je séjourne à Bakel, ma très chère ville natale, là où je suis né et j’ai grandi. En conséquence, ce modeste texte était une manière pour moi, non de payer la dette qu’il a posée sur mes épaules, mais de rendre immortel notre pacte scientifique, affectif, amical, parental voir social d’autant plus qu’il s’agit d’une relation entre un jeune et une personne âgée.

Diaman est originaire de Tuabou, ancien fief du Tunka (roi) du Gajaaga, situé à quelques encablures de la ville de Bakel où il vit d’ailleurs. Dans ce village, il est connu sous le nom de Papa Malal Diaman Bathily. Diaman est issue d’une lignée Bathily, aristocratie dirigeante de la région du Gajaaga pendant plusieurs siècles, ayant perdu de son aura avec l’implantation des Français depuis le XIXe siècle.

Diaman est le fils d’Ibrahima Diaman Bathily. Cet ancien instituteur avait servi pendant plusieurs années au Soudan Français avant de revenir à Tuabou en 1943 pour occuper une fonction de chef de canton du Goye inférieur sur une recommandation de ses parents Bathily et par une décision des Français. Mais à cause de ses relations difficiles avec les vieux de son clan mais aussi de l’administration coloniale, il n’avait pas pu tenir et s’était tristement donné la mort. Quand à la mère de Diaman, elle est originaire de Ségou, lieu où était né Diaman le jour du 2 janvier 1929.

Diaman avait passé son enfance au Soudan Français. En 1943 à l’âge de 14 ans, il fait un retour aux racines. Son père venait d’être affecté à Pout (ville située dans la région de Thiès au Sénégal) pour continuer à exercer son métier d’enseignant. Diaman intègre l’école urbaine de Thiès en 1944. Celle-ci accueillait en partie les fils de chefs de cantons. C’est là où Diaman avait obtenu son certificat de fin d’études primaires. C’est aussi l’année où son père venait d’être nommé comme le chef de canton du Goye inférieur. Mais Diaman lui resta à Thiès où il poursuit le collège.

Le jeudi 26 juin 1947, la triste nouvelle tomba. Diaman perd son père. Ce décès l’affecta au point de compromettre son brillant parcours scolaire et ses rêves lointains. Diaman s’était retrouvé dans une fratrie très jeune, très fragile et très triste. Il avait 18 ans certes mais se frères cadets Montaga avait quatre ans et Sily en avait six. Les filles étaient également toutes petites. Face une fratrie bouleversée par le décès d’un père affectueux et souciant surtout pour l’avenir de ses enfants et à une maman désemparée, Diaman ne pouvait pas faire autrement. Il fallait travailler pour combler autant que faire se peut le vide laissé par le père, dans un contexte marqué par la Seconde Guerre mondiale, obligeant sa mère à retourner au Mali avec ses enfants en bas-âge.

En 1948, une bonne nouvelle arriva. Diaman réussit au concours de l’école normale William Ponty. Il y effectua trois années de formation et sort en 1951 pour devenir enseignant. Il suivit le même destin que son père. Il servit successivement à l’école de Saldé, l’école du Nord e Saint-Louis, l’école de Podor, celle Dagana (où il a fait sept années dans cette ville), Waguniaye 2 à Dakar (entre 1961 et 1963).

C’est en 1963 que les Bakelois avaient fait appel à lui. Ainsi, il servit pendant 23 ans à l’école régionale de Bakel (devenue école Ibrahima Malal Diaman Bathily). Jusqu’en 1988, il partagea ses compétences pour son terroir. Cette arrivée avait surtout été motivée par les recommandations des populations de Bakel qui cherchait à redresser la situation scolaire de leur localité. Malgré tout, ses liens avec Tuabou n’étaient pas coupés puisqu’il faisait des va-et-vient entre son village de ses parents et Bakel, la ville qu’il a servie. En vérité, Diaman était un enseignant exemplaire pour ne pas dire hors-pair. Il finit par résider définitivement à Bakel.

Aujourd’hui, Diaman a 86 ans. Son quotidien se passe entre la mosquée et sa concession. Passionné de lecture, nous le retrouvons chaque avec un livre à la main. Et chacune de nos conversations se terminaient par des mots de regrets de ne pas s’être mis à la lecture au moment où il le fallait, chose dont le poids de l’âge l’empêche. N’empêche, il reçoit dans sa concession des élèves, des étudiants et des enseignants venus un peu partout du Sénégal voir du monde.

Pour terminer, il est important pour l’apprenti historien que je suis de préciser que les commentaires de ce texte sont issus des différentes rencontres (formelles et informelles) que nous avons eu avec notre père Diaman Bathily entre 2008-2013. Nous nous sommes également appuyé sur l’interview video qu’il a accordé à Bakelfinfo.com disponible sur youtube.

Que Dieu prête longue vie et une santé de fer à notre père Diaman Bathily

Saliou Dit Baba DIALLO

Laboratoire Migrinter, Poitiers, France

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M
Merci M.Diallo pr le témoignage fait à l'endroit de notre père Diaman que Dieu lui prête longue vie,santé
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K
Je suis très contente en tant que bakeloise et aussi mon père fut un ami de directeur bathily un homme qui a tout les qualités longue vie et plein de sante
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