Docteur en histoire moderne et contemporaine de l’université de Poitiers en France, mes recherches portent sur les sociétés rurales africaines en situation de sédentarité et de migration internationale dans la longue durée. Mes zones d'études et de recherches sont essentiellement la ville de Bakel (Sénégal) et la région parisienne (France). Depuis octobre 2017, je suis professeur d’histoire-géographie à l'Académie de Créteil (France). Parallèlement à l’enseignement et à la recherche, je m’engage dans la vie associative. Je suis en effet le chargé de la communication de l'Association des Jeunes de Bakel en France et le président de la Commission scientifique de l'Association des Anciens de l'Ecole primaire Ibrahima Malal Diaman Bathily de Bakel (ex-école régionale).
Il ne se passe un jour sans que l’image de Sambou me traverse l’esprit. Mais cette nuit était bien particulière. Je voyais Sambou à plusieurs reprises. A tel enseigne que je me suis dis que je ne pouvais me jeter entre les bras de Morphée sans lui écrire quelques mots pour graver cette pensée. Cette image profonde et douloureuse dont la mort seule est capable de l’installer entre deux êtres mais surtout entre un être et sa famille voir entre un homme et sa société.
C’était en 2008 que ce douloureux accident était arrivé sur la route nationale entre Tambacounda et Bakel, non loin du village de Goudiry. La nouvelle de cet accident et son évacuation m’avaient été annoncées mon ami Bouna Bomou à Liberté 4. Lorsque nous avons su qu’il était arrivé à l’hôpital de Grand-Yoff, nous avons décidé d'aller lui rendre visite. Mais on nous a signifié que l’on ne pourra pas le voir curieusement sans nous donner de raison. Et c’est là que la peur commençait à m’envahir. C’est là que j’ai saisi la gravité de l’accident et peut-être moins cru au miracle pour Sambou de s’en sortir.
Après quelques jours de souffrance corporelle que Sambou rendit l’âme à Dakar. La triste nouvelle m’a trouvé sur mon lit de sommeil. C’était Bouna qui me réveilla brutalement pour me dire que Sambou est parti et ne reviendra jamais. Nous étions au deuxième jour de la Korité. Je n’y croyais pas. Hélas, c’était vrai. Sur le coup, nous étions partis à l’Hôpital. Nous avons trouvé sa famille là-bas, son père « Mpa Diarra » qui avait le visage perdu, sa mère « Mma Coumbelle » inconsolable, son grand-frère Boulaye abattu. Tout le monde aimait Sambou mais il est parti !
Après de longues heures de réglages administratifs, une voiture se gara devant la mort et s’apprêta à ramener le corps de Sambou à Bakel pour sa dernière demeure. Ma dernière image sur Sambou était de le voir dans une caisse, sur la voiture, son corps sans âme, accompagné de cris et de larmes…Que de tristesse à l’intérieure de la voiture. Mon Dieu ! Seule la mort en était capable…
Sambou est avant tout un grand-frère. Nous partageons le même quartier à Bakel, N’diayega. Nos maisons se font côte à côte. Nous avons cohabité toujours en harmonie. Malgré la différence d’âge, Sambou était un grand-frère taquin, aimable et gentil. Pourtant, je partageais le même groupe avec son frère cadet Bébé, qui est un ami et un confident. Nous dormions ensemble dans leur maison. Et nous passions les journées devant leur maison. A chaque fois qu’il nous voyait assis devant leur concession, c’était le début des provocations interminables, des taquineries et des provocations. Tout cela était un signe d’affection et également la preuve d’un esprit d’ouverture. Sambou nous a montré que l’on peut être ainé et savoir vivre avec les cadets. C’était effectivement son cas. Pour moi, Samba était un grand-frère de sang.
Sambou était vraiment un bon voisin. Il n’a jamais « fatigué » d’enfants, d’adultes encore moins de personnes âgées. Dans le quartier, il défendait tout le monde. Quand il s’agit de faire certaines tâches, il répondait toujours présent, l’air motivé, engagé et volontaire. Il le faisait avec amour et avec gratuité. Lorsque ma mère le sollicitait parfois pour certaines tâches qui demandaient une force physique (puisqu’il en avait), il répondait sans tarder. Et il venait toujours avec cette humeur particulière qu’on lui reconnaissait accomplir la tâche et s’en allait sans rien demander en retour.
Sambou était un jeune. Il était vraiment beau, grand et fort. Il avait tous les traits physiques pour être assimilé à ce foot-balleur sénégalais El Hadji Diouf. La clarté de sa peau, sa corpulence, ses beaux gestes et son charme ressemblaient à celui de Diouf. D’ailleurs, il était connu à Bakel sous ce second nom. Et même dans les villages environnants de Bakel, certaines personnes étaient convaincues que Sambou était le vrai El hadji Diouf quand il lui arrivait d’aller jouer dans ces villages. Pour dire vrai, Sambou ne rassemblait pas seulement à El Hadji Diouf mais il vivait et respirait de Diouf. L’on ne pouvait pas regarder Sambou sans l’admirer, sans l’aimer.
Sambou est un Bakelois de sang, d’âme et de corps. Son amour pour la ville de Bakel était manifesté à toutes les occasions. Quelles soient activités culturelles, politiques et surtout sportives, il était présent. Sa sympathie pour sa ville était incontestablement exprimée partout il partait. D’ailleurs, c’est pour Bakel que Sambou est mort !
Hélas, la nature était tellement jalouse qu’elle ne pouvait pas laisser ce jeune homme beau, grand et doux rester encore avec nous.
Paix à son âme et à toux ceux qui étaient laissé leur vie pour la cause de Bakel !
Que la terre de Bakel te soit légère grand-frère. Amine !
Nous sommes à Allah et c’est vers Lui que nous retournons !
Saliou Diallo
Depuis Poitiers (France)